Lettre ouverte : soutien à Elena Legal, sage-femme AAD

J'ai assisté à l'audience d'Elena Legal, sage-femme pratiquant des accouchements à domicile, poursuivie par votre ordre professionnel. J'ai vu votre présence dans cette salle.

Vous vous trompez de combat.

Vous vous battez contre une sage-femme qui répond à un besoin réel : celui de femmes pour qui l'hôpital représente une violence inacceptable, souvent après des traumatismes vécus. Des femmes qui ont le droit d'être accompagnées par une professionnelle compétente dans leur choix de naissance.

Vous vous battez contre une sage-femme qui place le respect et la santé des femmes au cœur de sa pratique, qui assume ses choix sans se cacher derrière des protocoles désincarnés.

Vous vous battez contre une consœur qui, de toute façon, a besoin de vous pour assurer la continuité des soins. Une professionnelle qui exerce depuis des années sans qu'aucune famille n'ait jamais porté plainte contre elle.

C'est un gâchis.

Un gâchis pour Elena.

Pour ses patientes, aujourd'hui désemparées.

Pour votre profession.

Pour nous toutes, et notre liberté de choisir comment mettre nos enfants au monde.

Le vrai problème n'est pas Elena et sa posture militante.

Le problème n'est pas les accouchements à domicile.

Le problème n'est pas "ces femmes inconscientes qui refusent la maternité".

Le problème, c'est l'état catastrophique des services de santé en France.

Le manque de moyens.

Le manque de reconnaissance.

L'épuisement des soignants.

Face à ce système qui nous broie, il est tentant de désigner un bouc émissaire.

De nous diviser plutôt que de remettre en question les vraies responsabilités.

De cibler une consœur isolée plutôt que d'affronter collectivement ceux qui vous épuisent : manifester, faire grève, dire haut et fort que ça suffit.

Je connais vos conditions de travail difficiles.

Je connais le manque de reconnaissance scandaleux dont souffre votre magnifique métier.

L'arrogance de certains médecins face à vous.

L'écart de salaire injustifiable malgré vos années d'études et vos responsabilités immenses.

Je vous aime pour avoir choisi ce métier. Et je sais que beaucoup d'entre vous êtes aussi des mères, des femmes qui avez peut-être vous-mêmes vécu des violences obstétricales. Nous portons toutes nos blessures et nos luttes.

Si un jour vous commettez une erreur et que vous vous retrouvez face à une suspension, je vous souhaite sincèrement ceci :

Que les femmes que vous accompagnez se mobilisent pour vous défendre.

Que les familles prennent position dans les médias, sur les réseaux sociaux.

Qu'elles financent vos frais juridiques.

Que lors de votre audience, des dizaines de personnes posent un jour de congé en semaine pour venir vous soutenir.

Car oui, aujourd'hui nous étions une centaine. Des familles de tout type d'origines, de profil. Une centaine à faire plus d'une heure de route pour qu'Elena ne soit pas seule. Alors qu'elle n'est "que" notre sage-femme.

Parce qu'Elena ne nous a pas "accouchées".

Elle nous a écoutées.

Elle a accompagné et respecté nos choix, notre corps, notre rythme.

Elle nous a fait sentir protégées.

Elle a accueilli nos enfants avec ses compétences de sage-femme expérimentée, mais aussi avec un amour qui change tout.

Cette mobilisation massive, c'est la preuve concrète de son professionnalisme et de ses compétences - bien plus parlante que n'importe quel diplôme ou protocole. Car les sage-femmes sont au service des femmes et de leurs bébés, pas au service d'un système.

Vous aussi, vous êtes extraordinaires.

Je l'ai vu de mes propres yeux.

Quand l'une de vous m'a protégée face au discours agressif d'un anesthésiste alors que j'étais en plein travail.

Quand l'une de vous m'a dit, les larmes aux yeux, que c'était beau ce que nous vivions avec mon conjoint, qu'elle ne voyait pas souvent d'accouchements physiologiques.

Quand l'une de vous a passé 30 minutes à me masser la tête pendant que je pleurais, mon bébé loin de mes bras après ma césarienne.

Oui, vous aussi vous êtes extraordinaires quand vous exercez votre métier avec votre cœur et humanité.

Votre énergie, votre colère, votre légitimité de professionnelles : dirigez-les vers les vrais responsables.

Vers ceux qui vous épuisent, vous sous-paient, vous méprisent.

Vers ce système qui étouffe votre vocation.

Ne laissons pas l'institution nous diviser.

Nous toutes - mères, soignantes, femmes - méritons mieux. Nous méritons un système qui ne nous épuise pas, ne nous traumatise pas, ne nous oppose pas les unes aux autres.

Nous avons toutes à gagner à nous soutenir, à défendre la diversité des pratiques respectueuses, à exiger ensemble de meilleures conditions pour TOUTES les naissances.

Les femmes ont besoin de vous. Dans les hôpitaux comme à domicile.

Écrit avec respect et amour, par une mère qui croit en la solidarité entre femmes et entre soignantes.

Photo : Emmanuelle Penndu

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